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Adam Barro salle Gaveau
Adam Barro salle Gaveau

Samedi 25 avril, alors que des célébrations prennent part en toutes places, chargées de symboles, toutes villes, en France ou par-delà les océans et les frontières, Adam Barro, baryton-basse, avait réuni des artistes de grand talent à ses côtés, pour commémorer le centenaire du premier génocide du XXè siècle à travers des airs d’opéra et des chants arméniens, salle Gaveau.

Eclairée aux couleurs myosotis et jaunes, la salle elle-même vibrait de chaleur et de fraternité. Le public, l’ignorant l’après-midi, s’était déplacé pour un véritable voyage en Arménie, depuis la grandeur de l’ancienne et flamboyante Anatolie jusqu’à Gaveau, traversant les pays de la diaspora et les époques qui ont jalonné l’histoire de ce peuple. Décimé ? Les intellectuels, les artistes premiers visés ? Force est de constater que ce sont eux qui aujourd’hui fédèrent leurs énergies au service de la mémoire de nos ancêtres souillés, d’une génération de taiseux de douleur subie en héritage, et d’une autre, actuelle, qui prouve sa ferveur et sa créativité. Autant d’éléments qui constituent l’ADN des arméniens.

Quatre heures de concert. Extravagant ? Long ? Adam Barro a précisé, les yeux fermés comme possédé par un appel mystérieux : « Je suis désolé, le programme est un peu long, mais c’est beau ». Oui, cher Adam Barro. Ce concert était beau et davantage. Prodigieux, raffiné et élégant, d’une qualité hors du commun, qui nous a transcendé et ému. De cette sorte d'émotion réjouissante.

Cette soirée exceptionnelle, était dédiée à chaque victime du génocide, quel que soit son âge ou sa condition : artisan, pâtissier, tisserand, écrivain, musicien, ingénieur, enfant, grand-père, mère, bébé… 1, 5 million d’âmes canonisées par l’Eglise arménienne, avant que 100 coups de cloches ne résonnent dans le monde. Saints martyrs, qui rendent aujourd’hui inévitable la reconnaissance internationale de ce massacre.

Aux cotés de l’élégant Adam BarroJulia Knecht, soprano d’origine Corse sur le point d’entamer une tournée dédiée à Mozart, qui ne chante pas seulement, de sa voix cristalline de celles qui font tout voler en éclat : elle incarne un personnage sur scène, joue avec son corps, chaque muscle de son visage, la moindre parcelle de sa chair, tout en demeurant digne, droite, immobile. Elle regarde sa salle, et semble ancrer ses prunelles dans les nôtres, individuellement. Etrange sensation. Iris Topalian, harpiste mélodieuse qui se produira ce soir à la Sainte Chapelle. De sa harpe, s’écoule une rivière d’eau fraîche et limpide, comme dans un conte. Rémy Poulakis, ténor éclatant dans les airs d’opéra et les oratorios, également accordéoniste. Davide Perrone, pianiste compositeur et Antoine de Grolée, également au piano, révélation coup de cœur France Musique. Tous deux, en parfait équilibre avec les voix. Hildegarde Fesneau, violoniste agile qui alterne entre virtuosité et légèreté, très haut, quelques notes en suspension qui empêchent de respirer. Elle sort son premier CD, après avoir brillé par sa performance au dernier concours Long-Thibaud-Crespin, au théâtre des Champs-Elysées. Seule française en finale, elle a terminé 5ème. Elle n’a pas vingt ans et est déjà soutenue par de grands groupes. Fanny Crouet, soprano colorature, qui vient d’enregistrer un CD consacré à l’intégrale des mélodies de Léo Delibes, accompagnée au piano par Arthur Avanesov : "Jardin intime". Un disque enregistré à Erevan, salué par le critique Alain Duault. Pierre Bédrossian, au doudouk, dont le son romanesque et subtil serpente, s’échappe, s’envole, se pose. Deux récitants de haute volée, deux acteurs d’un théâtre noble : Anahit Topchian, écrivaine, comédienne, primée à de nombreuses reprises. Tragédienne remarquable, violente et tout en retenue à la fois. Frédéric de Verville, qui a également animé la soirée.

Ce qui réunissait les artistes ? Leur sourire non feint. Leur brio. Leur raffinement. Leur générosité. L’éclat des voix et des mots prononcés. Leur magistrale interprétation. Leur luminosité. Leur emportement et leur humilité : alliance remarquable. Ce moment de communion et de grâce qu’ils nous ont offert. Pas seulement à nous : à nos ancêtres, à nos parents. Leur fierté, enfin. Ils incarnaient la vie, une vie joyeuse, qui triomphe. Ils incarnaient la reconquête.

A l’issue des quatre heures, la salle était prête à rester la nuit entière en leur compagnie. Debout, en effervescence. Le Woodstock arménien salle Gaveau. C’était long, et trop court. L’enchaînement des morceaux était si juste, qu’il était impossible de faillir. Une programmation étudiée, riche de sens et de vitalité. #Mozart #Verdi #Sevak #Katchaturian #Komitas #Gounod #Delibes #Sarasate #Rossini #Satian #Abrahamian #Haroutinian #Donizetti #Tigranian #Caccini #Fauré #Godefroid. La poésie fait écho au folklore arménien et aux grands airs d’opéra. « Je cherchais au sein des flots le souvenir du passé », « Les mots que je souffle sont infinis »« Il neigera sous nos têtes nues, mais … de la braise », « Et les vallées devinrent des tombes », « Notre terre, notre patrie, notre pays, n’était plus qu’un désert », « C’est le printemps », « Le pécheur du lac de Van n’a pas pu fuir dans le fleuve » … « Si au monde quelqu’un l’oublie, qu’il devienne aveugle à la vie ».

L’historien Emmanuel Garcia, conférencier au cinéma Jacques Prévert de Gonesse, est intervenu. Résumer la question arménienne en 5 minutes ? Il a relevé le défi d’Adam Barro, à travers trois réflexions : A quel moment l’intérêt national justifie le crime ? Pas n’importe quel crime : l’extermination d’un peuple… ; L’ambiguïté des rapports entre dirigeants criminels et un peuple aveuglé, qui participe à ce massacre. Une société complice d’un génocide, cela ne peut qu’entraîner sa négation. Enfin la naissance de la Turquie moderne, Kémaliste, bâtie sur une Anatolie en ruines, décimée. Cette Turquie-là acceptait de recevoir le génocide en succession.

Ce samedi 25 avril, salle Gaveau, on atteignait l’excellence. Le président de l'association Armature, co-organisatrice du concert, Roger Jedikian, a terminé avec ces paroles : « Lorsqu’on lui parlait de son talent, Mozart répondait : Je n’ai fait que mettre l’une à côté de l’autre deux notes qui s’aiment ! Ce soir, Adam Barro a révélé l’harmonie de deux générations complémentaires et unies : de jeunes artistes talentueux, qui ont exprimé leur élan en interprétant des compositeurs et poètes éternels ».

Quelques images du concert salle Gaveau
Quelques images du concert salle Gaveau
Quelques images du concert salle Gaveau
Quelques images du concert salle Gaveau
Quelques images du concert salle Gaveau
Quelques images du concert salle Gaveau
Quelques images du concert salle Gaveau
Quelques images du concert salle Gaveau
Quelques images du concert salle Gaveau
Quelques images du concert salle Gaveau
Quelques images du concert salle Gaveau
Quelques images du concert salle Gaveau
Quelques images du concert salle Gaveau
Quelques images du concert salle Gaveau
Quelques images du concert salle Gaveau
Quelques images du concert salle Gaveau

Quelques images du concert salle Gaveau

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